Vie de l’association

Cécile Bizot, nouvelle directrice de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées d’Ille-et-Vilaine

22.12.2022

Vivre Ensemble : Vous avez pris la direction de la MDPH en mai 2022, pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a motivée pour relever ce nouveau défi ?

Cécile BIZOT : J’ai un parcours très généraliste dans la fonction publique. Je suis administratrice territoriale et j’ai passé le concours, statut d’administrateur territorial avec des compétences en management et organisation d’équipe. J’ai commencé ma carrière il y a dix ans avec un poste de direction adjointe à la culture de Rennes et Rennes Métropole. À partir de 2018, et pendant 4 ans, j’ai travaillé au département d’Ille-et-Vilaine en tant que directrice des ressources humaines. De ma place, j’avais la vision d’une MDPH toujours en mouvement. Puis l’opportunité du poste de directrice de la MDPH s’est présentée avec un défi à relever car la maison était dans un moment charnière de son histoire. Et j’avais envie de retrouver un contact un peu plus direct avec les usagers, j’ai toujours eu un intérêt particulier pour le champ social.

V. E : Vous dirigez un service qui représente beaucoup pour les personnes en situation de handicap. Pouvez-vous nous dire le nombre de dossiers suivis et le nombre de décisions rendues chaque année par la MDPH ?

Cécile Bizot : En quelques chiffres, en 2021 nous avons rendu 67 000 décisions (adulte + enfance), soit une augmentation de 6% par rapport à 2020. L’année 2021 était encore une année particulière avec le contrecoup de 2020. Nous avons également constaté une augmentation de la demande pour l’enfance entre 2020 et 2022. Chaque dossier peut représenter plusieurs décisions à rendre. Par exemple : une personne fait une demande pour une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) et une orientation ESAT, cela fait une demande mais deux décisions à rendre, donc deux demandes à instruire. En moyenne, il y a 3 décisions par dossier.

Sur les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) nous sommes à moins de 2% de recours. Ce qui veut dire que le droit, pour l’ensemble des situations étudiées, est appliqué comme il doit l’être.

V. E:Quelles sont les équipes sur lesquelles vous pouvez vous appuyer ?

Cécile Bizot : Nous avons 115 personnes qui travaillent à la MDPH, avec en plus les collègues d’Utopi Cesson. L’équipe d’évaluation est composée d’une soixantaine de personnes. L’équipe de la gestion des droits et administrative est composée d’une trentaine de personnes. Les autres professionnels sont sur des fonctions supports (informatique, ressources humaines, accueil). Il faut rappeler que la MDPH est un GIP, un groupement d’intérêt public, dont sont membres trois grandes catégories d’acteurs : l’État, le Département, et les associations représentantes d’usagers ou de gestionnaires.

V. E. : Comment est organisé le traitement d’une demande ?

Le circuit de la demande :

  • Arrivée du courrier 
  • Numérisation
  • Étude de recevabilité auprès du service gestion des droits et demandes éventuelles de pièces complémentaires pour que l’évaluation puisse se faire avec le plus d’informations possibles
  • Évaluation : nous traitons les dossiers par thématique en fonction de la nature de la demande (renouvellement, 1ère demande, urgence)
  • Proposition de décision, dans les situations qui le justifient, d’un PPC (plan personnel de compensation)
  • Passage du dossier en CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées), restreinte ou spécialisée, pour rendre la décision
  • Production de la notification et envoi par courrier aux usagers.

 

Concernant la télé procédure :

Aujourd’hui, nous avons un téléservice qui permet aux personnes de déposer leur dossier en ligne. C’est un vrai succès car, la première année en 2020, nous avions 1000 dossiers, en 2021, 2000 dossiers et pour l’année 2022, nous allons sortir plus de 3000 dossiers. Nous travaillons actuellement au développement d’un téléservice intégré qui permettra aux personnes de suivre leur demande en ligne et de disposer des notifications dématérialisées. Mais nous garderons toujours le système par courrier pour ceux qui le souhaitent.

Schéma du circuit de la demande

V. E. : La critique la plus entendue sur la MDPH est le délai pour l’instruction des dossiers. Quelles actions sont mises en œuvre pour réduire ces délais ?

Cécile Bizot : Nous entendons beaucoup parler du délai de traitement. Pour nous, ce n’est pas le critère le plus représentatif. Nous regardons surtout le volume de dossiers en attente.

À ce jour nous avons plusieurs leviers possibles :

1. Être plus efficace dans le traitement des demandes que nous réceptionnons :

La CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) nous a accompagnés pour identifier les points d’amélioration possible.

Objectif : avoir plus de visibilité sur les futures demandes et planifier les équipes en conséquence. Revoir le calendrier lié à l’enfance (très contraint par le calendrier scolaire). Nous faisons un vrai travail en commun avec l’Éducation nationale. Nos résultats sont plutôt bons sur ce type de dossier, nous avons 5 mois de délai. Mais, pour l’enfance, la question du délai n’a pas de sens. Ce qui compte c’est l’échéance de la rentrée scolaire. Et pour le champ adulte, nous avons aussi besoin de mieux connaître les établissements pour être efficaces dans l’analyse des situations. Nous devons
connaître les modalités de prise en charge, les établissements, les organisations…

2. Nous allons réduire le nombre de demandes en faisant des notifications sur les durées les plus longues possibles.

Avec l’application du décret de décembre 2018, nous pouvons rendre des notifications sans limitation de durée. Ainsi les demandes de renouvellement vont aller en diminuant sur certains droits, laissant plus de place aux premières demandes.

3. Nous allons nous lancer plus ardemment dans une démarche de prorogation automatique des droits.

Les personnes n’auront plus besoin de faire des demandes, nous allons regarder les dossiers avec des critères très précis comme un taux d’invalidité
égal ou supérieur à 80% depuis plus de 15 ans pour les droits RQTH, l’AAH (allocation aux adultes handicapés), et les CMI (cartes mobilité inclusion :
invalidité, priorité et stationnement).

4. Nous avons, dès aujourd’hui, des moyens humains supplémentaires.

Le département a financé en 2021 la création de cinq postes et la CNSA a dégagé six renforts pendant un an pour nous permettre de réduire notre
nombre de dossiers en attente. Beaucoup de ces chantiers sont en train de porter leurs fruits mais nous le constaterons réellement dans un ou deux ans. Je suis confiante sur le fait que nous reviendrons petit à petit à un rythme habituel de 4 mois de délai pour rendre une décision.

 

Vivre Ensemble : Quelles seraient pour vous les priorités pour améliorer l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans notre société ?

Cécile Bizot : Avec mon œil nouveau, je trouve que la complexité réside dans la multitude d’acteurs, institutionnels ou associatifs. Nous sommes dans un fonctionnement qui est fait de plein d’imbrications. Mais si nous arrivons à travailler avec l’ensemble des acteurs, si nous pouvons organiser une réelle coordination des acteurs autour des situations de handicap, nous soulagerons énormément les familles.

Mon autre regard se porte aussi sur le manque de places dans le champ enfance. Et nous constatons que le département d’Ille-et-Vilaine et l’agence
régionale de santé engagent des moyens importants chaque année. Mais ils héritent d’une situation dans laquelle le département est sous-doté par rapport à sa démographie. Et puis, il y un gros travail à faire auprès de la société sur l’inclusion. Il y a bien sûr eu des évolutions majeures, mais il reste à faire comprendre que l’inclusion est l’affaire de tous, pas seulement celle des services spécialisés ou des acteurs médico-sociaux. C’est d’abord le droit commun qui doit s’adapter. Les enfants d’aujourd’hui sont en contact avec les enfants en situation de handicap, nous en tirerons les bénéfices dans quelques années. Mais, pour cela, l’inclusion doit aussi se faire dans de bonnes conditions.

 

V. E. : Mme OLLIVAUX, précédente directrice, avait organisé une journée portes ouvertes. Pensez-vous proposer ce type d’événement ou autre auprès du grand public ?

Cécile Bizot : Comme ma prédécesseuse, je suis dans la volonté de nous faire connaître. Nous allons travailler pour un meilleur accueil entre autres. Notamment avec notre site internet qui va permettre de reprendre les bases pour les personnes qui entrent dans ce monde du handicap et pour les professionnels également. Et puis les journées portes ouvertes sont à conserver ! Je suis arrivée en mai donc il aurait été compliqué d’en faire une cette année, avec encore l’incertitude liée au virus. Mais je suis confiante pour l’automne prochain. Ainsi nous pourrons recevoir le public dans un contexte plus favorable et serein.